L’âge de la retraite a sonné

Ça y est, après 10 de bons et loyaux services, après m’avoir accompagnée partout, tout le temps, sans me quitter d’une semelle même la nuit : l’heure de la retraite a sonné pour India. Elle va avoir 12 ans, et ne peut malheureusement plus poursuivre sa mission de chien d’assistance à mes côtés. Aujourd’hui elle perd son statut et son dossard (qui lui permettaient d’aller dans tous les lieux publics) et part vivre chez mes parents en tant que chien de compagnie (oui je sais Didi, perdre ses privilèges, ça pique).

Grand chagrin de devoir nous séparer, grand vide qu’elle laissera dans mon quotidien (d’autant que je n’aurai pas de chien dispo avant mai ou octobre pour prendre la relève donc je vais bien galérer en attendant), mais immense gratitude pour tous les moments passés ensemble et surtout toute l’aide qu’elle m’a apportée !

Alors en guise de carte de départ à la retraite je vous partage quelques unes de nos histoires préférées :

1/ Elle faisait des conneries mais intelligemment : en bon labrador, elle ne pensait qu’à bouffer. Un jour j’ai laissé un abricot dans une assiette sur une table basse au bureau. Je me suis retournée 3 min, elle a chopé l’abricot mais a pris soin de recracher LE NOYAU DANS L’ASSIETTE discretos, comme si ça allait suffire à ce que je ne m’en rende pas compte.

2/ Elle m’a sauvée un jour où je me suis retrouvée enfermée au bureau. Mon collègue Gaspard était parti sortir les poubelles et avait claqué la porte sans prendre ses clés. Moi j’étais coincée à l’intérieur toute seule sans pouvoir ouvrir parce que c’était une porte un peu foireuse avec un bouton à pousser sur la serrure (impossible pour moi). Ce polytechnichien a réussi à choper les clés sur la table et les a filées à Gaspard qui avait glissé sa main dans le trou de la boite aux lettres en bas de la porte. Génie.

3/ À chaque fois que j’ai été malade, elle est restée couchée au pied de mon lit même si les autres continuaient de vivre à la maison.

4/ Elle m’a accompagnée partout. À l’étranger : New York, la Réunion, Guadeloupe, Malte, Suède, Espagne, Belgique, Italie… Dans plein d’endroits prestigieux : à l’Elysée (Brigitte l’a même confondue avec son chien Némo), à la Commission Européenne (elle a sauté debout sur la Commissaire qui est tombée à la renverse), au Parlement Européen, à l’Assemblée nationale, à une audience du pape, à la réouverture de Notre-Dame … Et dans des endroits improbables : en haut d’une montgolfière, dans un hopital de tortues, sur un bateau.

5/ Elle savait très bien quand elle était face à une personne fragile. Elle n’a jamais sauté sur ma grand-mère qui chancelait à la fin de sa vie, ni sur mes amis qui avaient peur des chiens, et elle se laisse escalader sans broncher par mon neveu d’un an qui passe des heures à l’enjamber pendant qu’elle dort.

6/ Elle savait ce dont j’avais besoin sans que j’aie à lui demander. Une nuit, je n’arrivais pas à réveiller la fille qui dormait chez moi et que j’appelais à tue-tête pour qu’elle vienne m’aider. Au bout de quelques instants, India en a eu marre, et est allée la réveiller en lui donnant des coups de museau. Une autre nuit, plus récemment, je dormais sur le canapé chez mon frère, et j’avais fait tomber mon bras sur le côté dans le vide. Je n’ai pas eu besoin de dire quoi que ce soit, India s’est levée, elle a fait une petite ronde, m’a donné un coup de tête dans le bras pour me le remonter, et est repartie se coucher. J’étais scotchée.

7/ Dans mon village à la campagne, j’ai rencontré un monsieur qui m’a dit : « Ah mais je connais très bien ce chien ! Il vient nous rendre visite tous les soirs dans notre cuisine à l’heure de l’apéro en passant par le jardin, et il attend que ma femme et moi on lui décortique des crevettes. » Et au même moment, une dame s’est incrusté dans la conversation pour dire « ah, mais moi je la connais aussi ! Elle a mangé le gâteau d’anniversaire de ma fille hier ! » Gêênaaaance.

8/ C’était le chien le plus religieux de France. Elle connaissait tellement bien le déroulé de la messe, que tout le monde hallucinait constamment, quand au moment de la bénédiction finale, systématiquement, elle se levait parce qu’elle savait que c’était la fin. Elle a été bénie plein de fois, par plein de prêtres (dont Guy Gilbert qui s’est écrié : « Soyez tous bénis, et surtout toi au premier rang là avec ton chien. Oui toi le clébard, sois béni ! »)

9/ C’était une star. Elle s’est retrouvée sur une affiche pour les élections législatives. On avait envisagé le slogan « une chienne à l’assemblée », mais finalement on s’est rabattu sur « une femme debout », moins tendancieux. Les enfants dans la rue disaient même en nous voyant « Et regarde, c’est la dame du chien de l’affiche »). Et en couverture de mon dernier livre !

Bref, on a partagé l’intégralité de 10 années où elle m’a suivie comme mon ombre. Je ne sais pas encore comment je vais faire sans elle, mais je me console en me disant que de toutes façons je n’ai pas le choix (ce sera un rythme de vie qui correspond mieux à une vieille mamie comme elle) et on a mis en place la meilleure solution (mes parents) où elle ne sera pas complètement perdue dans un environnement inconnu, et on pourra se revoir…

Pour rappel Handichiens éduque des chiens d’assistance pour les personnes en situation de handicap. La formation dure 2 ans, dont 18 mois en famille d’accueil et 6 mois en centre d’éducation spécialisé. Le tout coûte 17 500€ mais les chiens sont remis gratuitement aux personnes bénéficiaires grâce à un financement qui repose exclusivement sur des dons. Du coup la liste d’attente est longue et il n’y a que deux sessions par an (mai ou octobre) et une centaine de chiens sont remis chaque année.

J’aborde les prochains mois sans elle en me disant que ça va être un peu le cafard mais que ça me permettra d’être pleinement disposée à accueillir le prochain et à lui refaire une vraie place (pas juste parce que c’est l’habitude). Et à en profiter pour faire plein d’activités moyennement chien-compatible : voyager dans des pays où les chiens d’assistance n’existent pas, faire plein d’apéro en laissant des tonnes de nourriture sur la table basse du salon, dresser des faucons…

En attendant merci à toutes les personnes qui se sont occupées d’India (sa première famille d’accueil, Handichiens, toutes celles et ceux qui m’ont aidée au quotidien- à la nourrir, la sortir, à ramasser ses crottes géantes). On a fait du super boulot d’équipe et on a eu une belle vie ensemble !

Et surtout : MERCI DIDI ! 🫶