Comme vous le savez peut-être, j’ai maintenant quitté mon boulot depuis trois mois pour me consacrer à un projet entrepreneurial (que je vous révélerai très très prochainement !)
(J’ai d’ailleurs rencontré mon associé suite à l’annonce que j’avais postée ici, donc merci à tous pour vos nombreuses propositions d’aide !)
Du coup je vais profiter de cet article pour vous raconter les joies de cette nouvelle vie et vous parler de mes deux sujets de prédilection : les gens, et les lieux.
Les gens ont déjà tendance à penser qu’on ne peut pas avoir un job intéressant quand on a un handicap, mais alors monter une boite… je vous raconte même pas. Et c’est même assez drôle, parce que la plupart des réactions sont dans deux styles …radicalement opposés.
1. Les Bisounours, ceux qui trouvent ça « forrrmiiidabble », « beau » et « tellement fort » et qui applaudissent très très fort.
En gros ceux qui étaient encore convaincus 3 min auparavant que je passais mes journées à faire des promenades au parc avec une auxiliaire de vie. Attention, je suis très contente de ce projet, je parle juste ici d’un enthousiasme un tout petit peu surdimensioné, et surtout surjoué, comme si j’allais monter une association pour lutter contre le cancer et ebola.
Les mecs, je vous arrête tout de suite, c’est pas beau ou fort, c’est juste un job.
Mais au fond les Bisounours ne sont pas méchants, on les aime bien.
2. Les gros sceptiques, ceux qui pour le coup, pensent vraiment que je ferai mieux de retourner au parc.
Exemple : l’autre jour je voulais avoir des informations à la banque sur les offres pour les professionnels. Bon déjà, trouver une banque sans marches là où j’habite, ça réduit les options de 85%. Je me suis pointée comme une fleur au premier des deux seuls guichets qui me restaient :
« Bonjour Madame, je voudrais avoir des informations sur les offres pour les professionnels s’il vous plait ».
Réponse :
Euh non. Les PROFESSIONNELS. Je sais, c’est surprenant mais tu vas t’habituer.
Ou pire, j’ai rencontré quelqu’un pour parler business (si siii), le mec a pas moufté, il est resté tout courtois et tout comme si de rien n’était, et m’a envoyé un mail deux jours après pour me faire part de ses doutes existentiels :
« Mademoiselle, j’ai bien réfléchi à votre projet que je trouve très bien blablablabla. Cependant, au vu de votre « situation physique un peu particulière » – notez l’usage subtil des guillemets ! – je reste convaincu que l’entrepreneuriat est un monde difficile, semé d’embuches, où les échecs sont nombreux. » SANS DEC.
Et là le mec conclut en me disant en gros : « j’ai une idée : pourquoi ne pas vendre votre idée à la concurrence et vous rémunérer en mettant de la pub pour eux sur votre blog ? »
Ouais, les gens, c’est donc pas encore gagné mais on va y arriver.
Autre gros gros topic, les lieux.
Je suis désormais ce qu’on appelle SBF – c’est à dire Sans Bureau Fixe.
La bonne nouvelle c’est que je suis moins dépendantes des aléas d’horaires de la PAM, mais la mauvaise nouvelle, c’est que je me déplace beaucoup beaucoup plus, pour rencontrer des gens. Plein de gens. (cf le premier point).
Je bosse maintenant dans le monde super cool des startups, de l’innovation, et du monde de demain. Oui, rien que ça. Et tout ce formidable gratin se situe… vous savez où ? Dans le Sentier à Paris. C’est à dire dans le quartier le plus VIEUX, et le MOINS ACCESSIBLE DU MONDE. Et ça c’est vraiment super frustrant, parce que ces gens là (no offence les amis, ne le prenez pas personnellement, mais vous en conviendrez) sont en train de concevoir des trucs archi technologiques, archi cool et novateurs, mais ils vivent tellement entre eux, dans un microcosme archi fermé, qu’ils ne se rendent pas compte que leur bureaux trop cool sont : au fond d’une cour PAVÉE avec un SEUIL, puis 4 MARCHES avant d’arriver à un ASCENSEUR QUI FAIT LA TAILLE D’UN MACBOOK PRO.
Tu veux me parler d’innovation et du monde de demain avec des étoiles dans les yeux ? Ok. Mais s’il te plait commence par mettre une rampe.
Donc ouais, je peux pas du tout aller partout, et là aussi c’est pas gagné. Mais je sais que c’est surtout une histoire de prise de conscience, et pour le coup, les gens là font preuve de beaucoup de bonne volonté. C’est juste qu’ils n’avaient jamais eu à faire à une telle situation.
Vous vous rappelez un article précédent dans lequel j’expliquais pourquoi la France ne sera jamais accessible ?
Et bien en fait, je ne suis pas sure. Parce que je me rends vraiment compte que c’est vraiment à 80% une histoire de prise de conscience. Les gens ne voient pas leurs propres marches, parce que les personne en fauteuil ne fréquentent pas les lieux (logique vous me direz, puisqu’il y a une marche !).
Je crois qu’il faut adopter un esprit d’antiboycot, aller là où n’est pas forcément encore attendus, pour que les gens se rendent compte, plutôt que de fuir ces lieux.
Et à ce propos, l’autre jour, il m’est arrivé un petit miracle.
Lorsque je travaillais encore dans mon ancien bureau, j’allais souvent acheter un truc à emporter dans un petit resto qui venait d’ouvrir, mais qui avait une marche, du coup je restais sur le trottoir pendant que quelqu’un me préparait mon sac. Très vite, le propriétaire est sorti, s’excuser et me dire qu’il allait acheter une rampe. Bon sauf que ça, on me le dit tout le temps, et c’est bullshit, il ne se passe jamais rien. Et j’y suis retournée, encore et encore. Toujours par de rampe, mais je n’y comptais vraiment pas, j’allais là-bas parce que c’était bon, et c’est tout.
Et j’ai quitté mon job, donc j’ai oublié le resto et je n’y suis jamais retournée.
Et l’autre jour, j’étais en week end chez mes parents, et j’ai failli me faire écraser par une voiture qui s’est arrêtée. C’était le propriétaire du resto, qui m’a évidemment reconnue (moi j’ai eu un peu de mal), et qui m’a dit à travers la vitre : « Au fait, je voulais vous dire, j’ai acheté la rampe, elle est là ». Franchement, sur le coup, j’étais super émue, j’ai limite failli pleuré.
Je n’ai pas osé lui dire que je n’aurais probablement jamais l’occasion de retourner dans son resto, mais j’avais très très envie de le remercier, et de continuer à attendre dehors ailleurs, parce que parfois, ça marche.
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