
« Moi, si j’étais handicapé comme toi, je me serais suicidé. »
« Mais tes parents, ils pouvaient pas savoir que tu serais handicapée avant ta naissance ? »
Ça fait 35 ans que j’entends ce genre de phrases (et beaucoup plus souvent que vous et moi nous pouvons l’imaginer).
Elles sont ultra violentes, mais j’ai toujours réussi à m’en protéger en me disant que c’était de l’ignorance, de la bêtise individuelle, et qu’il fallait garder la tête haute.
Sauf que depuis quelques mois, avec le projet de loi sur la fin de vie, je dois me rendre à l’évidence : il ne s’agit pas d’une série de maladresses isolées.
C’est une bêtise collective.
Une idée insidieuse, bien ancrée : celle selon laquelle une vie comme la mienne ne vaut pas la peine d’être vécue.
C’est pourquoi aujourd’hui j’alerte : le projet de loi sur la fin de vie est, dans sa logique même, profondément validiste*.
Il dit en creux :
« Votre vie est nulle parce que ne pouvez pas sortir de chez vous, parce que vous ne pouvez pas travailler, et que vous êtes isolé(e) et dépendant(e) ? On comprend, mais ne vous inquiétez pas : vous pouvez choisir de mourir. Et bonne nouvelle ce sera facile et gratuit ! »
Honnêtement, ce que je ressens en entendant les débats actuels, c’est de l’humiliation.
Je ne nie pas la souffrance ou les situations extrêmes : je les connais (en partie) et je les entends.
Mais là je vois une société qui échoue à rendre la vie vivable, et qui en conclut qu’elle doit rendre la mort accessible.
Oui, la vie avec un handicap est plus dure. On ne va pas se mentir.
Mais elle l’est surtout parce qu’on est laissé seul(e), sans accès, sans moyens, sans soutien. Parce qu’on est mis à l’écart. Parce que nos droits fondamentaux sont trop souvent ignorés.
Et au lieu d’attaquer ça avec courage, on préfère miser sur la « mort digne ».
SPOILER ALERT : la dignité, ce n’est pas une question de performance. Ce n’est pas ce qu’on peut faire, ou non. C’est ce qu’on EST. Être suffit.
Et c’est quand on est le plus vulnérable qu’on a le plus besoin de la société pour continuer d’être. Pour continuer de vivre.
Donnons-nous cette peine.
(* pour ceux qui ignorent ce qu’est le validisme voici une définition : le validisme est une forme de discrimination systémique, souvent inconsciente, fondée sur la norme du corps et de l’esprit « valide », c’est-à-dire sans déficience ou limitation fonctionnelle. Il repose sur l’idée qu’une vie avec un handicap serait automatiquement moins désirable, moins digne ou moins « pleine » qu’une vie sans handicap.
CQFD.)
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