Quand on est handicapé, tout est plus compliqué. Mais en fait ce n’est pas tant la faute du handicap que celle de la société qui est vraiment championne olympique pour pondre des systèmes aberrants et incompréhensibles censés justement aider et compenser le handicap. L’enfer est pavé de bonnes intentions.
Je prendrai ici deux exemples éloquents. Au pif.
Le premier : le service Accès Plus de notre chère SNCF.
Qu’est-ce ? Quand on réserve un billet de train et qu’on est en fauteuil roulant, on commence par suivre le même parcours que tout un chacun sur le site de la SNCF. On réserve un billet normal, mais en cochant une petite case voyageurs en situation de handicap, puis en précisant qu’on est en fauteuil roulant. On peut ensuite ajouter un accompagnateur en fonction de son taux de handicap. En vrai jusque-là c’est plutôt bien foutu et assez simple.
La SNCF a donc l’information qu’on est en fauteuil, et tout devrait bien se passer.
Mais c’est mal connaître notre cher pays et son amour pour les systèmes qui n’ont pas de sens ! En effet, même si on pourrait se dire qu’une fois le billet payé avec la mention fauteuil roulant, on peut retourner mijoter ses oignons tranquille, pas du tout. Il faut maintenant se rendre sur un autre site et demander à réserver un service spécial en gare, qui permet aux voyageurs en situation de handicap d’être accompagnés à bord du train par un agent.
Déjà je ne vois pas très bien l’utilité de rajouter une étape comme ça dans la mesure où de toute façon étant en fauteuil je ne pourrais pas accéder au train sans cet agent parce qu’il faut mettre une rampe etc. Mais bon. Soit. Je suis docile et patiente, et je viens de lâcher 200 balles pour un aller retour Paris-Lille, donc je suis motivée à pouvoir en bénéficier. Même si ça implique de poireauter au moins 30 min avant à la gare, sous peine d’être recalée, même en ayant réservé.
Jusqu’au mois de janvier, il fallait donc remplir un formulaire en précisant son nom, sa date de naissance, son type de fauteuil roulant, si on pouvait sortir de son fauteuil ou pas, et ajouter le numéro de la commande de billets de train pour que le système retrouve le trajet et propose de demander le service dans les gares de départ et d’arrivée aller et retour. C’était complètement merdique mais ça prenait un temps relativement raisonnable.
Sauf que depuis le mois de janvier, la SNCF a entrepris de réformer le système. Et là tout le monde se dit : « Aaaah enfin ! Ils ont compris ! On va enfin tout simplifier. » Bah non. On parle de la SNCF tout de même, what did you expect ? Il s’agit bien évidemment d’une réforme qui rend le bail encore plus compliqué. C’est-à-dire que maintenant, vous devez vous embarquer dans un formulaire de cinq pages, en rajoutant à la main (en plus des informations de l’ancien système) le nom de la gare de départ, le nom de la gare d’arrivée, le jour du voyage, l’heure de départ, l’heure d’arrivée, votre numéro de voiture et même votre numéro de place ! A L’ALLER ET AU RETOUR. Personnellement ça m’a tellement fait péter un plomb que j’ai demandé à un ami de m’aider à chaque fois que je prends un billet de train, et de le faire pour moi parce que ça me donne envie de pleurer.
Ci-dessous un florilège de screenshots, je vous épargne les 3/4.
Idée de solution (pas la peine de payer des consultants les gars, c’est cadeau, je suis généreuse) : la SNCF sait déjà que je suis en fauteuil depuis le début puisque je l’ai précisé au moment de commander mon billet. Il suffirait qu’elle déclenche la demande d’Acces Plus automatiquement, car il y a peu de chances que je veuille prendre le train sans pouvoir rentrer dedans.
Je sais, brillant. De rien.
2ème exemple : la MDPH et l’aide pour financer des auxiliaire de vie à domicile.
Alors là les gars tenez-vous bien. C’est coton. J’ai besoin d’aide 18 heures sur 24 dans ma vie quotidienne pour pouvoir vivre chez moi. On a beaucoup de chance de vivre dans un pays qui aide les personnes dépendantes à subvenir à leurs besoins vitaux. Je le pense sincèrement. Mais le système, sérieux, c’est ni fait ni à faire.
Figurez-vous que j’ai déménagé, donc j’ai changé de département, et donc de MDPH qui est la Maison Départementale des Personnes Handicapées, qui instruit les dossiers de demande d’allocations liées au handicap. Très bien. Sauf que déjà ça fait six mois que j’ai déménagé et que j’attends qu’on régularise mon dossier.
Je suis donc passée en commission, comme si en déménageant j’avais retrouvé l’usage de mes jambes en traversant le périph.
On m’a dit que j’allais bien pouvoir bénéficier d’une aide (la même que celle que j’avais déjà de l’autre côté du périph et pour laquelle j’étais déjà passée en commission devant des ergothérapeutes et des médecins et tutti quanti).
Et voilà. Et j’attends. Depuis longtemps quand même. Mais c’est normal, parce que l’instance qui instruit le dossier n’est pas la même que celle qui va financer le plan de compensation du handicap ! Aaaaah okkkk. Et à Paris c’est encore plus le bordel, car Paris est une ville mais Paris est aussi un département ! Bien suuuuur. Donc c’est le département de Paris qui instruit, mais c’est la Ville de Paris qui paye.
Vous n’avez rien compris ? C’est normal moi non plus.
Je me démène donc depuis des mois pour essayer de régulariser ma situation, et là ce matin miracle, je parviens à avoir quelqu’un côté payeur au téléphone qui me dit que tout va bientôt rentrer dans l’ordre et que je vais recevoir des chèques CESU. Je lui demande si elle est bien sûre, parce que ça commence à sentir un peu le renfermé cette histoire. Et elle me dit que pour avoir la confirmation je dois appeler un TROISIEME organisme qui est le prestataire de paiement. Merveilleux. J’appelle donc, et là on m’annonce que mon nom n’est pas dans le système, qu’ils ne me connaissent pas, et qu’ils ne peuvent pas me renseigner.
J’avais quand même attendu 25 minutes avec une musique très agaçante au téléphone pour lui parler, donc j’ai décidé de rentabiliser. Je lui ai demandé si elle pouvait m’expliquer comment ça allait marcher une fois que, peut-être, un jour, on m’aurait retrouvée. Et là, comme moi, vous vous dites tous « Mais au fait, c’est quoi un chèque CESU » ? Eh bien maintenant j’ai la réponse. J’aurais préféré limite ne pas l’avoir.
C’est des putain de billets de Monopoly de dix euros avec lesquels je vais devoir régler tous mes intervenants à domicile. Et j’en ai un paquet. Donc je vais recevoir une méga enveloppe avec des sortes de tickets resto de dix euros, pour les distribuer à chacun de mes salariés à domicile un par un, qui ensuite devront se créer un espace national en ligne sur je ne sais pas quel site pourri, pour ensuite rentrer UN à UN le numéro de chaque ticket Monopoly de dix euros, pour espérer être payés dans les 15 jours.
Je vous rappelle par ailleurs, qu’il y’a une pénurie nationale d’auxiliaires de vie qui menace la survie de millions de personnes dépendantes, en mode on alerte la défenseure des droits. Mais surtout continuons à compliquer la vie de tout le monde.
Quand je vous dis qu’on est pas aidé…
Mandieu … !
Sur la SNCF tu as oublié de mentionner le scandale du bagage unique de 15kg sans possibilité de portage supplémentaire et qu’à la limite on te pose gentiment sur les genoux pendant le transfert. La personne handicapée se doit aussi d’être minimaliste. D’ailleurs c’est valable aussi la mamie qui a du mal à marcher. Quand elle vient de loin pour Noël elle doit choisir entre sa jolie robe de réveillon, sa trousse de pharmacie et les cadeaux pour les petits-enfants.
Article tellement réaliste malheureusement.
Je suis hémiplégique depuis l’âge de 32 ans, j’en ai 56. Aller à Paris voir mes enfants me semble insurmontable. La plus jeune habite un 4ème étage sans ascenseur et je ne compte pas dormir sur un palier au rdc.
Mon fils habite Meudon, en arrivant de Bretagne changement de train..puis ça fait 4 ans que je me bats pour que l’arrêt de bus soit accessible (le bus l’est( pas l’arrêt. J’habite le pays Malouin mais pas aSt Malo….
Notre gouvernement veut « debureaucratiser » l’état, il peut peut-être commencer par là.
Oh wait, ce sont ceux qui avaient promis une prise en charge totale des fauteuils ?
ah ben ça va pas s’arranger alors